- ÉBÉNALES
- ÉBÉNALESDeux familles principales, Ébénacées et Sapotacées, constituent l’ordre des Ébénales. Si chacune présente des caractères généraux bien particuliers, par contre les genres chez les Sapotacées et les espèces chez les Ébénacées sont restés pendant longtemps fort mal délimités; les études actuelles se sont efforcées de clarifier cette situation et de mettre de l’ordre dans la classification et la nomenclature.Ces deux familles, connues depuis le Crétacé supérieur, renferment essentiellement des arbres et des arbustes des forêts denses intertropicales, où ils se rencontrent à l’état très dispersé ou, exceptionnellement, sous forme de petits peuplements. Leur importance économique est loin d’être négligeable: ils fournissent des fruits, du latex, et surtout les bois d’ébène.Caractères générauxLes Sapotacées sont des arbres de taille élevée, ne présentant que de faibles contreforts, qui vivent souvent dans les forêts les plus fermées, alors que les Ébénacées ne sont en général que de grands arbustes ou de petits arbres. Ces deux familles comptent quelques représentants dans les forêts denses des régions sèches tropicales, mais n’en ont presque aucun dans les régions arides, et seules quelques Ébénacées atteignent les régions tempérées chaudes.Les feuilles sont alternes, simples et entières; les fleurs, hermaphrodites ou unisexuées, régulières, tétramères ou pentamères, ont une corolle formée de pétales toujours soudés (gamopétalie); les étamines s’insèrent en général sur le tube de la corolle en un ou plusieurs verticilles; l’ovaire, supère, comporte plusieurs loges renfermant chacune un ou deux ovules.Particularités botaniques des SapotacéesUn des caractères particuliers, très apparent, des Sapotacées est la présence absolument constante d’un latex blanc, très poisseux et à écoulement assez lent, dans toutes les parties de la plante: écorce, rameaux, feuilles, fleurs, fruits. Les feuilles, presque toujours coriaces, à nervation pennée, sont souvent rassemblées en touffe à l’extrémité des rameaux.Les fleurs sont solitaires ou groupées en inflorescence à l’aisselle des feuilles (cf. figure), mais souvent aussi elles sont situées au-dessous des feuilles, sur les rameaux dénudés, ou même sur les branches ou le tronc (cauliflorie). Chaque fleur est formée d’un calice à quatre, cinq ou six sépales, imbriqués les uns dans les autres, disposés sur un verticille ou bien encore, fait notable, sur deux verticilles formés chacun de deux, trois ou quatre sépales valvaires. La corolle en cloche, grelot ou tube comporte des lobes plus ou moins découpés, parfois garnis d’appendices latéraux ou dorsaux. Une autre caractéristique est la disposition des étamines fertiles, fixées isolément ou par paquets de deux, trois ou plus au milieu des pétales, alors que des étamines avortées (staminodes, parfois eux-mêmes « pétaloïdes ») alternent avec ces pétales. L’ovaire, surmonté d’un seul style, renferme en général quatre ou cinq, ou de six à huit loges uniovulées, parfois aussi une seule loge ou, à l’opposé, jusqu’à trente loges.Les fruits de nombreuses Sapotacées demeurent inconnus; ceux qu’on a récoltés sont des baies indurées dont les graines se libèrent en général lors de la pourriture du fruit sur le sol. Ces graines, au nombre de une à cinq par fruit, rarement plus, sont extrêmement caractéristiques: leur tégument épais, lisse, luisant, présente une cicatrice mate, parfois de grande taille, le hile; l’albumen qui entoure l’embryon est riche en huile, mais il peut faire défaut.La délimitation des différents genres de Sapotacées, essentiellement fondée sur les caractères des fleurs, des fruits et des graines, est très variable suivant les botanistes; c’est ainsi que Baehni reconnaît 41 genres et Aubréville 126 (répartis également en Amérique tropicale, en Afrique tropicale et à Madagascar, dans la région indo-pacifique); ce dernier groupe les genres en 4 sous-familles (Sidéroxyloïdées, Omphalocarpoïdées, Mimusopoïdées, Madhucoïdées), représentant au total entre 600 et 800 espèces.Particularités botaniques des ÉbénacéesAlors que les Sapotacées comptent de nombreux genres, les Ébénacées ne groupent que 6 genres, englobant environ 450 espèces (selon les conceptions des différents auteurs et l’état des recensements), avec un tiers des espèces en Asie, un tiers en Afrique et à Madagascar, un sixième en Amérique et un sixième en Océanie; en fait, le seul genre Diospyros (auquel on rattache actuellement le genre Maba ) groupe la presque totalité des espèces.Les feuilles sont dépourvues de stipules, et les inflorescences forment des cymes toujours très contractées disposées, comme chez les Sapotacées, à l’aisselle des feuilles ou sur les rameaux dénudés, les branches et les troncs. Les fleurs sont le plus souvent unisexuées et presque toujours les individus portent des fleurs d’un même sexe (diécie). Sépales et lobes de la corolle sont au nombre de trois à sept, plus ou moins soudés; le calice offre fréquemment la particularité de s’accroître autour du fruit (accrescence) et la corolle présente des lobes se recouvrant régulièrement en spirale (préfloraison contournée). Chez les fleurs mâles, les étamines (une ou deux fois le nombre des lobes de la corolle et jusqu’à cent vingt) sont fixées sur le tube de la corolle ou sur le réceptacle de la fleur, ou encore sur les deux; l’ovaire est rudimentaire (pistillode, pouvant aussi faire défaut). Chez les fleurs femelles, les étamines sont remplacées par des staminodes, moins nombreux; l’ovaire, surmonté de deux à huit styles, libres ou soudés, est creusé de deux à huit loges généralement divisées en deux par une fausse cloison délimitant des compartiments uniovulés.Le fruit, parfois sec et coriace mais dont l’ouverture spontanée est rare, est ordinairement charnu et forme une baie, celle-ci étant souvent plus ou moins entourée par le calice accrescent; les graines, au nombre de une à seize par fruit, disposées radialement, sont comprimées sur le côté; elles possèdent un tégument mince et un albumen abondant, cartilagineux ou dur.Importance économiqueDiverses Sapotacées fournissent des fruits comestibles: Achras zapota et surtout Nispero achras (sapotillier) d’Amérique tropicale; au Mexique méridional, le sapotillier fournit aussi, par incision du tronc, le latex chicle , guttoïde utilisé comme matière première pour le chewing-gum; Calocarpum mammosum et Pouteria caimito (caïmitier) des Antilles sont cultivés comme le sapotillier dans les régions tropicales; les fruits de Gambeya divers et de Synsepalum dulcificum africains ou de Labatia et de Richardella américains sont consommés localement.Ceux de certains Diospyros sont appréciés: D. blancoi des Philippines, D. sinensis de l’Asie méridionale, D. lotus du Proche-Orient, D. virginiana (persimmon ou plaqueminier de Virginie), D. ebenaster du Mexique, et surtout D. kaki , petit arbre japonais, cultivé dans les zones tropicales et tempérées chaudes, dont la baie ressemble à une tomate de couleur orangée; il en existe différentes variétés horticoles.Les Palaquium (P. gutta , P. leiocarpum ) d’Indonésie produisent la gutta-percha, utilisée autrefois comme isolant électrique; Manilkara bidentata d’Amérique du Sud septentrionale donne, par coagulation du latex, la gomme balata, guttoïde encore employé pour la fabrication de courroies de transmission.De nombreuses graines de Sapotacées sont oléagineuses: Madhuca de l’Inde (beurres de Mee, de Mohwra, de Phulwara); Vitellaria paradoxa des savanes soudaniennes, du Sénégal au Nil (beurre de Karité exporté pour la fabrication de margarines); Baillonella toxisperma (moabi), est l’un des géants (60 m et plus) de la forêt africaine.Mais les Ébénales sont surtout connues pour leurs bois, en général durs, lourds, durables, mais difficiles parfois à sécher et à travailler. Ainsi, parmi les Sapotacées, diverses espèces de Pouteria (balata blanc) et de Manilkara (balata rouge) des Guyanes et du Brésil; Mastichodendron (bois de fer) des Antilles; Chrysophyllum prieurei (atanamara) des Guyanes; Tieghemella de Côte-d’Ivoire (makoré) et du Gabon (douka); Autranella congolensis (mukulungu) d’Afrique centrale; plusieurs Palaquium (nyatoh) d’Asie tropicale; Sinosideroxylon zwageri (billian) d’Indo-Malaisie. Argania spinosa (arganier), relique végétale aux confins septentrionaux du Sahara, est un petit arbre épineux fournissant un bois de fer et une huile alimentaire.Mais les bois des Diospyros sont plus recherchés. Diverses espèces possèdent des bois verts, rouges, blancs, bariolés ou tachés de noir, ne méritant pas le nom commercial de bois d’ébène que l’on doit réserver à un nombre limité d’espèces. Celles-ci, une dizaine au total, fournissent des bois presque uniformément noirs, plus ou moins foncés ou veinés, aux qualités particulières dues à des gommoses internes; ce sont des bois lourds (de densité 1 à 1,2), durs ou très durs (de résistance 9 à 15), à grains fins, à rétractibilité assez forte, mais inertes à l’état sec, difficiles à travailler, mais prenant un remarquable poli; ces bois sont recherchés pour l’« ébénisterie », la menuiserie de luxe, la marqueterie, le tournage, la lutherie. Ils font l’objet d’un commerce particulier, mais une exploitation intensive en plusieurs régions a diminué considérablement les possibilités d’approvisionnement.Parmi les Diospyros commercialement réputés, il faut citer D. celebica et D. rumphii (ébène de Macassar) de Célèbes, analogues au D. blancoi (camagon) des Philippines, au D. marmorata (Andaman marblewood) de la côte birmane et des îles voisines, au D. quaesita (bois de Coromandel) de Sri Lanka, aux D. tomentosa et D. melanoxylon de l’Inde, tous bois d’ébènes veinés. (L’ébène du Sénégal, du haut Nil, du Mozambique est fourni par une Papilionacée: Dalbergia melanoxylon .)D’autres ébènes à bois parfait de couleur noire relativement uniforme proviennent (ou provenaient) soit d’Afrique centrale (D. crassiflora ), soit de Madagascar et des Mascareignes (D. perrieri et autres), soit encore d’Asie (D. ebenum – ébène de Sri Lanka – et D. vera – mun du Vietnam).
Encyclopédie Universelle. 2012.